lundi 10 juin 2013

La Cène - jusqu'aux extrémités de la terre




La célébration de la Cène au-delà de son institution et des rencontres du Ressuscité, apparaît au début du livre des Actes des Apôtres comme élément constitutif de la vie cultuelle de l’Église primitive, qui se développe autour de l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle, la fraction du pain, et les prières :

Actes 2, 42-46
42 Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières.
43 La crainte s’emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres.
44 Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun.
45 Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun.
46 Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur.

Elle apparaît comme constitutive d’un idéal de vie communautaire suffisamment exigeant pour être pris en défaut face aux réalités de la vie concrète — cœur du dilemme entre la continuation de ce monde et l’espérance du Royaume…

Ce dilemme, cette distance entre l’exigence qu’induit le repas partagé et la réalité avec ses lourdeurs, traduisant la distance entre la foi et ce que l’on voit, ou ce que l’on craint quant au lendemain, apparaît déjà quelques chapitres plus loin, dans le même livre des Actes, ch. 6, où « les veuves des hellénistes » sont négligées dans ce partage ! — origine de l’institution des « diacres » visant à remédier à ce problème.

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C’est ce même retour des réalités sociales concrètes que l’on retrouve chez les Corinthiens, et qui leur vaut les sévères remarques de Paul :

1 Co 11, 18-34
18 j’apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a parmi vous des divisions, — et je le crois en partie,
19 car il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient reconnus comme tels au milieu de vous. —
20 Lors donc que vous vous réunissez, ce n’est pas pour manger le repas du Seigneur ;
21 car, quand on se met à table, chacun commence par prendre son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre.
22 N’avez-vous pas des maisons pour y manger et boire ? Ou méprisez-vous l’Eglise de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela je ne vous loue point.
23 Car j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné ; c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain,
24 et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.
25 De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez.
26 Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.
27 C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur.
28 Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ;
29 car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même.
30 C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre sont morts.
31 Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés.
32 Mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde.
33 Ainsi, mes frères, lorsque vous vous réunissez pour le repas, attendez-vous les uns les autres.
34 Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin que vous ne vous réunissiez pas pour attirer un jugement sur vous. Je réglerai les autres choses quand je serai arrivé.

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Le problème connaît un autre aspect : comment être en communion dans une communauté composée de membres connaissant des rites alimentaires différents ? — ceux qui mangent casher et ceux dont ce n’est pas la tradition !

Quand on sait que la communauté se constitue dans la foi au Dieu de Jésus, dont la Torah, la loi, fonde la casherout qui vise à garantir le refus de l’idolâtrie et de toutes ses conséquences religieuses et morales (allant parfois jusqu’aux sacrifices humains ou à la prostitution « sacrée » !)…

1 Co 10, 14-33
14 Mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie.
15 Je parle comme à des hommes intelligents ; jugez vous-mêmes de ce que je dis.
16 La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps de Christ ?
17 Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps ; car nous participons tous à un même pain.
18 Voyez les Israélites selon la chair: ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas en communion avec l’autel ?
19 Que dis-je donc ? Que la viande sacrifiée aux idoles est quelque chose, ou qu’une idole est quelque chose ? Nullement.
20 Je dis que ce qu’on sacrifie, on le sacrifie à des démons, et non à Dieu ; or, je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons.
21 Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur, et la coupe des démons ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur, et à la table des démons.
22 Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous plus forts que lui ?
23 Tout est permis, mais tout n’est pas utile ; tout est permis, mais tout n’édifie pas.
24 Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui.
25 Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience ;
26 car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme.
27 Si un non-croyant vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera, sans vous enquérir de rien par motif de conscience.
28 Mais si quelqu’un vous dit: Ceci a été offert en sacrifice ! n’en mangez pas, à cause de celui qui a donné l’avertissement, et à cause de la conscience.
29 Je parle ici, non de votre conscience, mais de celle de l’autre. Pourquoi, en effet, ma liberté serait-elle jugée par une conscience étrangère ?
30 Si je mange avec actions de grâces, pourquoi serais-je blâmé au sujet d’une chose dont je rends grâces ?
31 Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu.
32 Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Eglise de Dieu,
33 de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.

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On voit que l’on est dans le cadre d’une communion — et du partage du pain qui la signifie — qui a vocation universelle, mais qui n’en porte pas moins ses exigences internes restrictives.

La nécessité d’une discipline qui apparaît, les exigences sociales qui en font partie, tout cela ne doit pas pour autant restreindre l’espérance d’un Royaume universel qui est manifestée dans le partage du pain !

Actes 27, 23-36
23 Un ange du Dieu à qui j’appartiens et que je sers m’est apparu cette nuit,
24 et m’a dit : Paul, ne crains point ; il faut que tu comparaisses devant César, et voici, Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi.
25 C’est pourquoi, ô hommes, rassurez-vous, car j’ai cette confiance en Dieu qu’il en sera comme il m’a été dit.
26 Mais nous devons échouer sur une île.
27 La quatorzième nuit, tandis que nous étions ballottés sur l’Adriatique, les matelots, vers le milieu de la nuit, soupçonnèrent qu’on approchait de quelque terre.
28 Ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses ; un peu plus loin, ils la jetèrent de nouveau, et trouvèrent quinze brasses.
29 Dans la crainte de heurter contre des écueils, ils jetèrent quatre ancres de la poupe, et attendirent le jour avec impatience.
30 Mais, comme les matelots cherchaient à s’échapper du navire, et mettaient la chaloupe à la mer sous prétexte de jeter les ancres de la proue,
31 Paul dit au centenier et aux soldats : Si ces hommes ne restent pas dans le navire, vous ne pouvez être sauvés.
32 Alors les soldats coupèrent les cordes de la chaloupe, et la laissèrent tomber.
33 Avant que le jour parût, Paul exhorta tout le monde à prendre de la nourriture, disant : C’est aujourd’hui le quatorzième jour que vous êtes dans l’attente et que vous persistez à vous abstenir de manger.
34 Je vous invite donc à prendre de la nourriture, car cela est nécessaire pour votre salut, et il ne se perdra pas un cheveu de la tête d’aucun de vous.
35 Ayant ainsi parlé, il prit du pain, et, après avoir rendu grâces à Dieu devant tous, il le rompit, et se mit à manger.
36 Et tous, reprenant courage, mangèrent aussi.

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Paul, on le voit, est aussi, selon ce chapitre des Actes des Apôtres, très au fait de la dimension d’ouverture universelle qui est dans « la fraction du pain »…

C’est tout le dilemme qui traduit le « déjà là » du Royaume, et le « pas encore advenu » du même Royaume que l’on est bien forcé de constater.

C’est aussi le dilemme entre « communion eucharistique et communion ecclésiale » : « discerner le corps du Christ », écrit Paul, ce qui connote évidemment l’union de la communauté appelée à s’étendre sur toute la face de la terre.

Les débats sur le mode de la présence du Christ à l’occasion de ce partage et les vocables qui accompagnent sa compréhension quant à sa relation avec le pain partagé — transsubstantiation, consubstantiation, symbolisme, etc. — ne peuvent valoir économie de ce que signifie la communion, la participation à un même corps, en termes de partage réel, avec ses implications sociales, en termes de fraternité, etc., sous peine de faire fi d’une tension — entre le « déjà » et le « pas encore » — qui est cœur de la vie de l’Église.


RP
Le pain dans la Bible.

Église réformée de Poitiers.
Étude biblique 2012-2013.
Chaque 2e mardi du mois à 14 h 30.
& chaque jeudi qui suit le 2e mardi à 20 h 30.
9) 11 & 13 juin 13 — Cène – 1 Co 11, 18-34 & 10, 14-33 /
Actes 2, 42-46 & 27, 23-36 (aux extrémités de la terre)


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